Le prix d’une manifestation à Antananarivo

Antananarivo, 26 septembre 2025 – La capitale malgache est en ébullition. En pleine crise à Antananarivo, les rues grouillent de foules en colère, de barricades improvisées et de groupes errants, certains décidés à manifester, d’autres à piller.

Trois catégories de personnes qui se disputent

Sortir pour acheter du riz ou une bouteille d’eau relève désormais du défi, tant le danger est partout.

Tout est parti d’un rassemblement à Ambohijatovo le 25 septembre 2025, organisé par trois conseillers municipaux, rejoint par des citoyens lassés des coupures d’eau et des délestages. Rapidement dispersée avec brutalité, la répression militaire a agi comme une étincelle : la colère s’est répandue dans les rues, attisée par des frustrations accumulées depuis des années.

Mais derrière les slogans et les foules se cache une réalité plus complexe : il n’y a pas une manifestation, mais des manifestations à Antananarivo. Certains réclament la démission du président et de son gouvernement. D’autres, moins politisés, veulent simplement que la JIRAMA tienne sa promesse de mettre fin au délestage, ce qui paraît illusoire après des décennies de défaillance. Entre ces deux voix, s’ajoutent les laissés-pour-compte, nombreux, qui voient dans le chaos une opportunité de survie.

Très vite, les débordements ont dépassé la capitale. Antsirabe, Fianarantsoa, Toamasina, Mahajanga, Manakara, Diego Suarez : dans chaque grande ville, les pillages à Madagascar se sont multipliés. Supermarchés, concessions, dépôts et commerces de proximité ont été pris pour cible. Le bilan humain, lui, s’alourdit : plusieurs morts tués par balle lors d’affrontements ou de pillages. La crise nationale à Madagascar est désormais ouverte.

Ce morcellement dit tout d’un mal plus profond : l’incapacité des Malgaches à s’unir autour d’une cause commune, même lorsque leurs souffrances se rejoignent. Chacun crie sa douleur, chacun blâme l’autre – les « casseurs » accusés de ternir le mouvement, les politiciens accusés de récupérer la rue, les citoyens « lambda » accusés de passivité. Le résultat est toujours le même : l’énergie collective se dilue, et le pouvoir, lui, gagne du temps.

Le président a promis une nouvelle fois une solution pour l’électricité. Une promesse qu’il avait déjà faite il y a plusieurs années, répétée à chaque crise, jamais tenue. Mais tant que les forces vives du pays ne parviendront pas à transformer leur indignation commune en une voix unie, ces promesses continueront d’occuper l’espace, sans jamais changer la réalité.

À Antananarivo aujourd’hui, le prix d’une manifestation ne se mesure pas seulement en violence, en pillages ou en angoisse quotidienne. Il se mesure dans ce paradoxe cruel : un peuple ensemble dans la rue, mais profondément désuni dans ses luttes.

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